Développer des connectivités écologiques fonctionnelles pour favoriser la biodiversité et les trames vertes à échelles locale et régionale exigent des outils pertinents, en capacité d’évaluer et interpréter précisément leur potentiel, et in fine, mobiliser différentes actions. C’est pourquoi ARP Astrance, avec l’aide technique et scientifique d’Ubiquiste, a développé un indicateur de connectivité écologique dédié aux milieux urbains. 

 

La menace d’extinction pesant sur la biodiversité implique de fédérer tous les milieux pour lui redonner un nouveau souffle. Dans ce contexte, les espaces urbains et périurbains constituent un potentiel d’actions en plein développement et leur mobilisation est un enjeu majeur, notamment en favorisant la transparence écologique de ces milieux, en permettant le développement et la conservation des espèces urbaines et en confortant l’ensemble des autres trames écologiques à leur interface (forêts, cultures, zones humides, etc.)

Le changement d’usage des sols est aujourd’hui le premier facteur de pression sur la biodiversité, directement corrélé à la croissance urbaine. Ces changements causent la perte d’habitat et limitent l’accès aux ressources vitales pour certaines espèces, et donc le déclin de la biodiversité en ville.  Améliorer la connectivité urbaine pour les rendre plus perméables à un maximum d’espèces est en outre déterminant.

Spécificité de la biodiversité urbaine

Les aires urbaines sont caractérisées par une forte proportion de surfaces imperméabilisées et une naturalité moindre, limitée à des espaces végétalisés essentiellement artificiels (au moins en partie). Les villes sont source de multiples pollutions environnementales (sonore, chimique, lumineuse…) contribuant à l’érosion de la biodiversité.

Si ces constats laissent à penser que les villes sont des milieux imperméables à la biodiversité, les zones urbaines présentent pourtant des diversités faunistiques et floristiques remarquables. Par exemple, plus de 2 800 espèces sauvages ont été observées dans l’agglomération parisienne. Cette biodiversité urbaine est majoritairement composée d’espèces généralistes, présentant des régimes alimentaires très variés et ont des cycles de reproduction rapides. En effet, les milieux urbains présentent une diversité de milieux artificiels et semi-naturels qui constituent des habitats potentiels : parcs et jardins, friches urbaines, boisements et alignements d’arbres, pelouses et dépendances enherbées, arbustes, habitats pionniers et minéraux, etc.

Aujourd’hui environ 85 % des Français vivent dans les villes et les zones périurbaines. De ce fait, la mise en œuvre de plans d’action pour la biodiversité dans ces milieux permet de mobiliser et sensibiliser une large part de la population à ses enjeux. L’amélioration de la connectivité écologique et le développement des trames vertes urbaines est un moyen d’œuvrer pour la préservation, impliquant :

  • Une augmentation du nombre et de la surface habitats au sein des villes
  • Le développement de corridors entre les habitats des espèces
  • L’amélioration de la qualité écologique et la gestion de ces habitats et corridors
  • La diminution/suppression des freins à la connectivité (appelés « points noirs »)

Création de l’Indice de potentiel de connectivité écologique par lot immobilier 

Dans ce contexte, ARP Astrance a construit un indicateur cartographique de connectivité adapté à la faune et aux habitats des villes, calculé à une échelle communale et qui rend compte de la connectivité potentielle en tout point de l’espace. Cet outil permet aussi d’identifier le potentiel de contribution des lots immobiliers aux réseaux écologiques déjà existants et enfin de classer les lots immobiliers de façon simple à l’échelle des parcelles du cadastre ou d’un maillage plus détaillé. Ce classement peut alors servir de base pour prioriser et planifier des mesures favorables à la connectivité du paysage urbain.

Une approche opérationnelle pour les collectivités locales

Cette approche a été mise en œuvre avec quatre collectivités d’Île-de-France et a permis de valider la pertinence de l’outil. Elle est décrite ici en détaillant les résultats obtenus pour la ville de Gennevilliers qui a participé à l’étude (ces résultats n’engagent que les équipes ARP Astrance et Ubiquiste).

L’analyse s’appuie sur l’identification des réseaux écologiques de la ville à partir des habitats favorables de neuf groupes d’espèces représentatives de la biodiversité urbaine, de la distance qui les sépare mais aussi sur la composition du paysage urbain à traverser par les espèces à partir d’une carte d’occupation du sol du territoire sur la base du MOS Île-de-France (voir schéma ci-dessous).

Indice de connectivité écologique : le potentiel d’interactions à la loupe

Cette approche permet d’évaluer la connectivité écologique potentielle pour un panel d’espèces inféodées à trois types de milieux : boisés, parcs et jardins, milieux herbacés et friches. La représentation de cette valeur en tout point de l’espace permet d’identifier les habitats suffisamment interconnectés et donc les continuités écologiques fonctionnelles. Mais aussi d’évaluer le rôle de tissus urbains considérés comme peu contributifs du point de vue écologique.

Indice de connectivité écologique : le potentiel d’interactions à la loupe

Les réseaux écologiques identifiés par l’analyse sont cohérents avec les approches de définition de trame urbaine établie par la ville et avec les résultats de son Atlas de biodiversité. Cette approche a aussi permis d’identifier des éléments jusqu’ici ignorés, et une hiérarchisation chiffrée et inédite de l’importance de ces éléments.
En centrant l’analyse sur les tissus artificialisés, il est possible d’établir un classement des parcelles du cadastre identifiées comme étant des lots immobiliers par niveaux d’importance du potentiel de chaque lot pour contribuer au développement des trames vertes.

Cette approche peut être précisée par une représentation selon un maillage de 25m x 25m qui permet une lecture à une l’échelle inférieure à celle des parcelles, pour une lecture complémentaire du rôle associé à ces tissus.

Les lots en vert sont à l’interface des réseaux écologiques et peuvent potentiellement concourir à leur développement avec une efficacité supposée importante par leur position. Les lots en orange et jaune ont un potentiel de contribution aux trames urbaines moins important, car isolés par rapport aux réseaux fonctionnels mais peuvent aussi faire l’objet de politique de végétalisation pour répondre à d’autres objectifs comme la réduction des ilots de chaleur ou une meilleure gestion de l’eau pluviale.
Les espaces verts publics, bien qu’importants, ne suffisent pas à la mise en place de réseaux écologiques car ils représentent une part minoritaire du capital végétal des villes par rapport au foncier privé. Ces différents modèles cartographiques permettent une mise en œuvre des trames vertes adaptée aux spécificités des milieux urbains, à partir d’une évaluation précise et d’une valorisation du potentiel d’action à l’échelle des lots immobiliers. Elle permet aussi de mobiliser une diversité d’acteurs autour des enjeux de biodiversité.

De nombreuses applications potentielles 

Les discussions entre les collectivités ont permis d’identifier plusieurs utilisations concrètes pour le développement de trames vertes en ville à la suite de cette première approche :

  • Identifier les éléments urbains fonctionnels au sein des trames vertes urbaines
  • Prioriser les actions à mener en fonction de l’importance de ces espaces dans le cadre de la maitrise des budgets des collectivités locales
  • Préciser d’autres zones d’attention d’une collectivité locale
  • Définir les partenariats et les co-constructions nécessaires pour le développement et la gestion des trames urbaines

De nombreuses traductions opérationnelles rendues possibles par ces informations ont également été identifiées :

  • Intégration dans les outils de planification territoriale : PLU, PLUi, SCoT
  • Appréciation prospective des impacts des projets d’aménagement de la ville sur les trames vertes
  • Définition d’actions de mobilisation des acteurs de la ville (associations, quartiers, etc.)
  • Établissement de priorités spatiales et pour les activités des services d’espaces verts

Enfin, ces cartographies sont dédiées à la l’évaluation de l’enjeu de connectivité écologique mais leur interprétation doit être pondérée par la prise en compte d’autres enjeux de planification urbaine et des villes de demain :

  • Enjeux environnementaux et climatiques : création d’ilots de fraicheur, gestion des eaux pluviales, infrastructures de mobilité douce …
  • Enjeux de développement économique, besoin en logement,
  • L’implication d’une diversité d’acteurs pour la mise en œuvre des actions

En conclusion, cette approche simple basée sur l’appréciation des comportements écologiques des espèces présentes en milieu urbain et périurbain donne la possibilité aux communes et aux communautés de communes d’avoir une approche opérationnelle pour établir un diagnostic et des plans d’actions pour les trames vertes urbaines.

Un article signé Victor Lavisse, directeur de Gondwana – pôle biodiversité & paysage ARP Astrance ; Matias Meyrueis, consultant écologue ARP Astrance ; Hervé Moal, expert Continuité écologique – LOMA management et Simon Tarabon, directeur d’études et gérant d’Ubiquiste. 

Retrouvez l’intégralité de l’article sur le site de Construction 21.

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