« Créer ensemble un immobilier et des villes à impacts positifs »

La ventilation naturelle est-elle une solution pertinente pour répondre aux enjeux d'aujourd'hui ?

La ventilation des bâtiments, sujet relégué au second rang pendant longtemps, prend aujourd’hui une importance significative suite à la prise de conscience des problématiques de qualité de l’air intérieur, à la diminution des postes de consommations traditionnels comme le chauffage et à la nécessité de plus en plus prégnante de refroidir les bâtiments de manière passive.

Comment répondre à ces nouveaux enjeux, sans augmenter les consommations énergétiques ? La ventilation naturelle est une des options qui doit être explorée.

1) Les enjeux de la ventilation

Le Robert définit la ventilation comme une « Opération par laquelle l'air est brassé, renouvelé ou soufflé ». Elle peut être divisée en 2 catégories selon les objectifs qu’elle poursuit.

  • La ventilation hygiénique
  • La ventilation de confort

La ventilation hygiénique a pour but le renouvellement et l’assainissement de l’air intérieur des bâtiments nécessaire aux individus.

Le CO2 dégagé par les occupants doit être évacué, et l’oxygène renouvelé afin de maintenir un taux de taux en CO2 aussi proche que possible de la concentration extérieure, aux alentours de 400ppm.  Différentes études ont prouvé un impact négatif de la concentration en CO2 sur les fonctions cognitives (cf. figure 1).

Figure 1 : Effet du CO2 sur les fonctions cognitives – Guide Nanosens de la QAI pour les écoles

C’est aussi le cas de la vapeur d’eau dégagée par les occupants et dans les pièces humides. Celle-ci doit être évacuée pour maintenir un taux d’humidité relative idéalement entre 40 et 60 %. En effet, au-delà de 60 % les risques de développement de champignons, de bactéries, et autres augmentent (cf. figure 2). 

Figure 2 : Optimum Humidité relative –  Scofield et Sterling, Doc.Dri-Steem/Pacare

Enfin, et c’est relativement nouveau, les polluants intérieurs, tel que les COV, les PM... néfastes pour la santé humaine, doivent également être évacués. Il a en effet été prouvé que ces polluants, dégagés entre autres par les matériaux intérieurs, le mobiliers, les produits de nettoyage..., sont présents à des concentrations 5 à 10 fois plus élevés en intérieur qu’en extérieur.

Les taux minimums de renouvellement hygiéniques sont fixés en France par différentes normes tel que l’arrêté du 24 mars 1982 pour les logements, le code du travail ou le règlement sanitaire départemental type pour les bureaux et les ERP. Or, ces taux s’avèrent relativement faibles, et apparaissent aujourd’hui comme insuffisants face aux défis sanitaires posés par la qualité de l’air intérieur. La France est notamment classée parmi les derniers élèves en Europe concernant les taux minimums de renouvellement de l’air d’après le rapport « Qualité de l’air intérieur et performance énergétique des bâtiments en Europe » du Joint Research Centre commandé par la Commission Européenne en 2018.

Il est donc aujourd’hui nécessaire d’augmenter ces débits, tout en évitant d’augmenter les consommations énergétiques associées, qui tendent à prendre une place de plus en plus conséquente, tout particulièrement au regard de la baisse des besoins en chauffage. Pour les bâtiments neufs de type tertiaire ou ERP, la ventilation représente de plus en plus souvent le poste de consommation principal devant le chauffage, la climatisation, ou l’éclairage.

La ventilation de confort a pour objectif le rafraîchissement de l’ambiance intérieur ou directement des occupants en période chaude. Pour cela deux options sont possibles :

  • Le déstockage du bâtiment par sur-ventilation lors de périodes plus fraîches, souvent la nuit. Ainsi les calories accumulées a l’intérieur et dans les éléments à inertie sont évacuées pour limiter la montée en température le lendemain. Cette solution fonctionne particulièrement bien pour des climats avec une différence de température jour/nuit importante. Un taux de renouvellement conséquent, de 4 à 10 volume/heure, est par contre nécessaire.
  • La création d’une vitesse d’air, qui permet l’évaporation accélérée de la transpiration à la surface de la peau, ce qui contribue à diminuer la température corporelle. Ainsi pour une vitesse de 1m/s la température ressentie sera inférieure d’environ 3°C à la température ambiante. Cette solution est particulièrement pertinente lorsque les températures restent stables entre jour et nuit, c’est notamment une technique employée traditionnellement dans les climats tropicaux.

Dans le contexte du réchauffement climatique, où les besoins de rafraîchissement augmentent, ce type de solution prend toute son importance. Le défi étant ici aussi, de répondre à cet enjeu sans augmenter les consommations énergétiques du bâtiment.

2) La ventilation naturelle, pourquoi et comment ?

Ces enjeux une fois exposés, la ventilation naturelle apparaît comme un levier indispensable sinon majeur pour assurer à la fois, des débits hygiéniques plus importants, et un rafraîchissement plus conséquent, sans augmenter les consommations énergétiques.

Les forces motrices qui permettent de mettre l’air en mouvement en l’absence de ventilateur sont le tirage thermique et le vent (cf. figure 3).

Figure 3 : Effets du vent et du tirage thermique – Surventilation et confort d’été, guide de conception, projet de recherche freevent mars 2018

Le tirage thermique repose sur le différentiel de densité entre l’air chaud et l’air froid. L’air chaud, de par son agitation moléculaire plus importante, est plus léger et va donc avoir a tendance à monter, au contraire de l’air froid. Cela crée un mouvement naturel basé sur une dépression en partie basse, favorisant l’entrée de l’air depuis l’extérieur, et au contraire une suppression en partie haute, favorisant la sortie de l’air vers l’extérieur.

Le vent crée quant à lui une suppression du côté au vent, et une dépression du côté sous le vent, ce qui crée naturellement un courant d’air des hautes aux basses pressions au travers du bâtiment.

Ce type de ventilation fonctionne à basse pression, avec des dépressions inférieures à 30Pa, contrairement à la ventilation mécanique qui crée des dépressions aux alentours de 100Pa. Les équipements associés, comme les entrées d’air ou les gaines sont ainsi dimensionnés en fonction, et propres à ce principe de ventilation.

La ventilation naturelle hygiénique est très présente en France dans le parc existant (prêt de 2/3 du parc de logement) mais totalement anecdotique dans le neuf. La France accuse ainsi un retard sur le sujet par rapport à des pays comme le Royaume-Uni, ou encore l’Australie, par manque de bureaux d’études compétents mais aussi d’industriels, dans un contexte réglementaire qui laisse peu de place à l’innovation.

La ventilation naturelle de confort tend quant à elle à se développer dans le neuf avec de plus en plus de projets publiques et privés qui prennent en compte ce paramètre dans leur conception.  

3) Quels types de ventilation naturelle ?

La ventilation mono-orientée permet de rafraîchir un bâtiment par déstockage. Elle fonctionne grâce au tirage thermique, qui crée une boucle convective dans la pièce concernée. Il suffit d’une ouverture en façade par laquelle l’air plus frais entre en partie basse, pendant que l’air plus chaud sort en partie haute. La hauteur de l’ouvrant à une importance marquée. Plus celle-ci est importante, plus le brassage sera efficace, l’optimum étant de dépasser 1,5 m de haut. Pour aller plus loin, la création de deux ouvertures, une en partie basse et une en partie haute, permet de doubler l’efficacité du brassage, car la séparation physique entre les deux flux permet de réduire les perturbations. La profondeur de la pièce a également son importance, le brassage étant moins efficace à partir de 2 à 2,5 fois la hauteur sous plafond (cf. figure ci-dessous). Ce type de ventilation est simplement basé sur des ouvrants manuels ou automatiques en façade, mutualisables avec le désenfumage. L’atteinte des taux de brassages nécessaires pour un rafraîchissement efficace peut cependant s’avérer complexe selon les conditions, ce principe étant relativement limité en termes de renouvellement d’air par rapport à la ventilation traversante, ou par atrium.

Figure 4: Ventilation mono-exposée ouverture simple -  Natural ventilation in non domestic buildings , Guide CIBSE, 2005

La ventilation traversante permet de rafraîchir un bâtiment par déstockage et de créer une vitesse d’air. Le vent constitue la force motrice de ce principe en créant une surpression sur la façade au vent, et par contraste une dépression au niveau de la façade opposée, dite sous le vent. L’air traverse ainsi le bâtiment d’une façade à l’autre, des hautes aux basses pressions. Ce système est particulièrement efficace, avec plusieurs 10aines de volumes/h de renouvellement pour seulement 1m/s de vent.

La création d’une vitesse d’air lui permet de plus de rafraîchir les occupants si les conditions d’un déstockage efficace ne sont pas réunies. Il est particulièrement adapté aux bâtiments hauts, linéaires, ou avec un patio.

Pour un fonctionnement efficient, la distance entre les deux façades ne doit pas dépasser 5 fois la hauteur sous plafond (cf. figure 5). Si ce principe est largement répandu pour le logement, il peut parfois être complexe à mettre en œuvre pour du tertiaire ou des ERP, car l’aménagement des espaces intérieurs n’est pas toujours propice au passage de l’air d’une façade à l’autre. Des salles de classe ou des bureaux cloisonnés donnant sur un couloir central peuvent par exemple poser des difficultés. Dans ce cas, il faut penser à un système de gestion de l’ouverture des portes, ou aménager des ouvrants entre les pièces de travail et la circulation, mais cela pose souvent des problématiques d’intrusion, acoustiques, ou encore incendie. Enfin, la trame, la position, et le volume des bâtiments alentour sont a étudier finement dans un contexte urbain, car ils peuvent former des masques vis-à-vis du vent.